Thomas Jolly – Richard III

Thomas Jolly
Richard III
Théâtre
2016
France

Cette mise en scène est la dernière du cycle shakespearien de Thomas Jolly après Henri VI, divisé en deux parties. Elle fut présentée pour la première fois au Festival d’Avignon en 2014. Richard III, sûrement l’une des pièces les plus connues parmi les classiques shakespeariens, raconte l’histoire du Duc de Gloucester, Richard III, qui va peu à peu décimer sa famille par des machinations dans le but d’accéder au trône. Si le personnage est aussi iconique, c’est dû au caractère repoussant de celui-ci à la fois physiquement (il boîte, est bossu, défiguré, difforme), mais aussi moralement (manipulateur, menteur pathologique, opportuniste…) Cette figure emblématique a aussi été rendue célèbre par le doigté que William Shakespeare a utilisé pour ces dialogues : le monologue du début « the winter of our discontent » n’est plus à présenter, tout comme la phrase « mon royaume pour un cheval ».

Ainsi, la pièce demande un énorme travail de réflexion par les innombrables adaptations au cinéma (Looking for Richard d’Al Pacino, Richard III de Richard Loncraine), mais aussi au théâtre (mise en scène d’Ostermeier une année auparavant).

Le spectaculaire de cette œuvre se situe dans chaque recoin du théâtre où elle est jouée. Qu’il s’agisse des décors, de grands échafaudages noirs, des pancartes descendant du plafond avec des citations de la pièce, de l’apparition du titre d’Henri et son changement en Richard,

de la mise en lumière extravagante avec pleins de faisceaux lumineux s’entrecroisant, dans une lumière très froide et forte, et qui de plus joue sur l’effet stroboscopique, les costumes, entre steampunk, classicisme et immodération…

On peut aussi parler de la musique qui est extrêmement forte, travaillé par Thomas Jolly lui-même, qu’il interprète avec mise en son et lumière digne des concerts de Kiss ou AC/DC.

La participation du public requise est aussi dans le spectaculaire des mascottes, figures animales par lesquelles Richard est/ ou se définit. Celles-ci font des signes provocateurs, encourageants l’applaudissement des actes abjects de Richard et le transforme en héros.

Ce travail fut acclamé à Avignon par l’œuvre totale créée par Thomas Jolly (musique, mise en scène, rôle principal, etc…)

Personnellement, j’ai trouvé cette pièce spectaculaire, mais dans le sens péjoratif du terme. Il y avait trop de tout. En tant que spectateurs, nous nous retrouvions dans l’excès sur tous les points, presque à la limite de l’insoutenable. Richard III faisant partie de mes pièces fétiches, je ne peux qu’être consternée de la transformation produite par Thomas Jolly. À la limite du projet mégalomaniaque, je n’ai pas compris le besoin de cette œuvre à nous en mettre plein les yeux, au point de ne plus voir la pièce, mais seulement le metteur en scène.

Je trouve ça extrêmement dommage, car je pense que Thomas Jolly a de très bonnes idées scénographiques (l’aspect steampunk de l’esthétique m’a beaucoup plus et la musique était tout de même intéressante). Le problème est qu’à force de vouloir mettre trop de spectaculaire, on perd totalement le fil de la raison du spectaculaire en premier lieu , la mégalomanie de Richard qui se transforme uniquement en celle du metteur en scène.

Je conclurai par une citation de Mies van der Rohe « Less is more».

Par Lucile Massiot
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017