Sarah Kane – Anéantis

Sarah Kane
Anéantis
1995
Littérature
Londres

Anéantis (Blasted) est la première, et sûrement la plus scandaleuse, pièce de Sarah Kane (1971-1999). Le sujet est une confrontation entre Ian, un journaliste, et Cate, une jeune femme londonienne, dans une chambre d’hôtel de luxe britannique. Ian a invité la jeune femme à le rejoindre pour pouvoir renouer avec elle; il ne s’attend pas à ce que cette dernière veuille mettre un terme à leur relation. Après de nombreuses menaces et des propos violents proférés par l’homme, ce couple étrange passe la nuit ensemble, pendant laquelle Cate est violée à plusieurs reprises. Un élément extérieur fait irruption et, le fantôme de la guerre vient s’ajouter à l’atmosphère terrorisante de la pièce:  un soldat pénètre dans la chambre d’hôtel, menace et viole Ian avant de lui arracher les yeux en les gobant. Cate revient avec un nourrisson dans les bras, qui mourra rapidement de faim et sera dévoré par Ian, dans un accès de folie et de douleur.

Présentée pour la première fois en 1995 au Royal Court Theatre à Londres, la pièce a fait scandale : le public la jugeant trop extrême et trouvant les thèmes trop actuels et dérangeants pour être portés sur une scène de théâtre.

En effet, ce qui peut paraître scandaleux et insupportable, même à la simple lecture de la pièce, c’est l’addition de thèmes horribles. Ceux-ci représentent tous les travers de l’Humanité : la guerre, l’alcoolisme, la violence morale et physique, le viol, la soumission, le cannibalisme ou encore le racisme exprimé par Ian.

Sarah Kane produit un théâtre très visuel, où les dialogues sont concis et précis. Elle met un accent particulier sur les didascalies qui montrent sa volonté de tout représenter, au risque de choquer. Par exemple, tous les actes sexuels sont explicités : « Il ressort le revolver et le pointe sur la tête de CATE, il s’allonge entre ses jambes et simule un acte sexuel. Il jouit. À ce moment, CATE se redresse brusquement avec un cri. » C’est cette violence frontale et directe qui fait scandale. Seulement, il semble que la violence ne doit pas être ignorée ou édulcorée en littérature, car, aux dires de l’auteure: « Les actes de violence arrivent simplement dans la vie, ils sont horribles, c‘est ce qui se passe dans la pièce ». Ainsi, c’est parce qu’elle ose mettre l’Homme face à lui-même, sans aucun détour, que la pièce a fait scandale.

Par Chloé Aubert
Université Sorbonne N
ouvelle – Paris3, L3, 2017