Romeo Castellucci – Orestie
Romeo Castellucci
Orestie
2015
Théâtre
Italie
Orestie relate la fin de la guerre, après la destruction de Troie. Vainqueur, Agamemnon, roi d’Argos, rentre chez lui. Il ne sait pas que Clytemnestre, son épouse pleine de rancœur, s’apprête à l’assassiner par vengeance pour leur fille Iphigénie, qu’il a immolée pour s’attirer la faveur des Dieux. Dans une deuxième partie, son fils Oreste, obéissant aux voix d’un oracle d’Apollon et de sa seconde sœur, Electre, s’introduit discrètement dans la ville pour le venger et tuer son meurtrier, Egisthe. C’est alors que les Érinyes, furies chargées de poursuivre les matricides, se lancent à la poursuite d’Oreste avec le soutien d’Apollon et d’Athéna qui instaurent le premier tribunal des hommes pour le juger. Grâce à leurs interventions, il sera acquitté.
Dans la première partie du spectacle, les corps sont véritablement mis à mal dans un univers nocturne et apocalyptique. On assiste à des scènes violentes où les corps d’hommes sont passés à tabac avant d’être suspendus dans les airs comme des pièces de boucherie. Les chairs féminines sont difformes, obèses et sanguinolentes à l’image de Cassandre, qui à la manière d’une Vénus hottentote blanche, lance ses imprécations enfermées dans un cylindre de verre inondé de sang.
La seconde partie du spectacle est en rupture, silencieuse et baignée d’un halo de lumière, comme pour symboliser une entrée dans le monde du silence et des rites. C’est lors de cette seconde partie qu’Oreste, le corps nu, telle une statue antique, vient se recueillir sur la dépouille de son père qui surgit d’une tombe sous l’apparence d’un bouc sacrifié auquel il redonne vie par son souffle.
Au final, la scène est recouverte d’un rideau noir troué qui laisse entrevoir par ce hublot, le monde surnaturel d’Apollon, d’Athéna et d’autres dieux. Ceux-ci évoluent au milieu des Érinyes, représentées par des singes qui bondissent et courent sur une galerie. Ces créatures sont chassées par Oreste, mais reviennent sans cesse.
Romeo Castellucci est reconnu pour sa subversivité au sein du monde du théâtre contemporain depuis la fin du XXème siècle. Orestie, part du texte d’Eschyle pour exploiter les fondements occidentaux de la représentation. L’œuvre classique est ici exploitée en vue d’opérer grâce à elle, une conversion de ses origines qui s’enracine dans le futur et se nourrit du temps qu’elle inaugure.
L’obscénité dans l’oeuvre de Castellucci découle de la désacralisation de certaines figures mythologiques et royales de l’Antiquité grecque. Les corps de ces figures sont difformes et méconnaissables en comparaison de l’idéal de beauté et de grandeur émis traditionnellement par la littérature classique. La mise en scène et le choix des interprètes donnent à voir des corps malades, blessés, souffrants, difformes dont le rejet est habituellement ancré dans nos modes de représentations courantes. C’est un retour organique au nu qui interroge le prima du beau corps de l’être humain rationnel. La présentation de ces corps se complète naturellement d’une présence accrue de l’animal et de l’enfantin sur scène. Les corps dans cette mise en scène de Castellucci, sont difformes et malades parfois même animalisés, comme s’ils portaient en eux la violence des hommes qui ponctue l’œuvre d’Eschyle. Tous ces acteurs sont déformés par leurs actes qu’ils portent physiquement comme une cicatrice de leur destin.
Par Anna Longvixay
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017