Olivier Letellier – La petite Danube

Olivier Letellier
La petite Danube
Théâtre
2017
France

La petite Danube est une pièce de Jean-Pierre Cannet publié en 2007 aux éditions Théâtrales. Elle met en scène le personnage d’Anna comme narratrice de l’histoire de son enfance à la campagne, durant la Seconde Guerre mondiale. Une histoire marquée par la rencontre poétique d’Arthur ou de son âme, quelque part au fond de son jardin, tout près des voies de chemin de fer conduisant aux camps.

J’ai découvert cette pièce très récemment, d’abord en lecture. Une lecture durant laquelle je trouvais déjà cette pièce très touchante ; pas seulement pas son sujet, mais  aussi pour les métaphores et le langage utilisés pour le traiter. À travers des yeux d’enfants, à travers le jeu, la douceur et une certaine poésie.

Mais c’est quand j’ai vu ce texte monté par Olivier Letellier et interprété par son équipe que j’ai pu voir se révéler tout le potentiel de cette écriture. En effet, Letellier s’intéresse particulièrement à l’univers du conte et de l’enfance pour toucher à des sujets difficiles tels que la mort, la maladie et la guerre. Il a notamment monté Oh Boy et La scaphandrière récemment, qui reprennent cet univers. La pièce se prêtait donc parfaitement au jeu.

De plus l’équipe a brillamment réussi à insérer cette pièce dans le contexte de réalisation du projet de L’Aria. L’Aria est un centre de formation crée par Robin Renucci dans le village d’Olmi-Cappella en Corse. Le principe est de proposer un festival estival présentant un ensemble de créations/ mises en scène résultantes de trois semaines de stage. Toutes les représentations sont créées et jouées en extérieur dans plusieurs sites choisis au préalable par les intervenants.

Le cadre global du stage est celui de petits villages en montagne, parsemés de végétation. Olivier a choisi pour ce texte un grand terrain au plateau irrégulier sur deux niveaux, isolé d’un village et avec seulement quelques arbres au fond. À mon sens, ce qui est remarquable en premier lieu c’est l’utilisation de la profondeur de l’espace de jeu pour créer des espaces parallèles de narration et d’action. Une utilisation également des hauteurs offertes par les quelques talus du lieu, et tout cela est souligné par des jeux de lumière disséminés subtilement.

Les placements des personnages, la représentation caricaturale des corps liés à l’enfance et le choix d’une narration en chœur, sont également pour moi un ensemble d’éléments qui renvoyaient à une lecture poétique de la pièce, mais aussi au regard de l’enfant.

Les associations des musiques et des images étaient très fortes, car, ils complétaient le texte sans prendre sa place et en intensifiaient le propos. Ceci ajouté à la représentation en extérieur, au cadre d’un espace grandiose, des montagnes, du vent dans les arbres, des lumières éloignées du village et d’une nuit étoilée au mois d’août. Le décor naturel donnait au texte une portée et une résonance qui semblait transcender notre micro-univers. Chaque instant de la  pièce prenait un caractère sacré, s’appropriant chaque couleur, courant d’air, son ou odeur appartenant à la nature.

Pour moi c’est l’ensemble des choix de l’équipe qui ont fait de cette pièce un renversement spectaculaire du côté du Beau. C’est l’accord parfait entre tous ces symboles, tous ces tableaux, de manière visuelle, sonore, olfactive, sensorielle… Qui m’ont permis comme à beaucoup des spectateurs présents, d’être aspiré volontiers dans ce monde, qui montrait que même la mort d’un enfant, pouvait être perçue avec une puissante douceur et majesté.

Par Anélys Pieto-Le Lay
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017