Laurent Mauvignier – Ce que j’appelle oubli

Laurent Mauvignier
Ce que j’appelle oubli
2011
Littérature
France

Ce que j’appelle oubli est un texte écrit par Laurent Mauvignier en 2011. 61 pages, ponctuation minimale, sans point, cette longue phrase est comme un souffle qui emporte le lecteur, le cueille au début d’une pensée et le délivre à la fin de celle-ci, faisant résonner son histoire avec force.

L’histoire est inspirée d’un fait divers. Hiver 2009, un SDF entre dans un supermarché à Lyon, et parce qu’il a soif, ouvre une canette de bière et la boit complètement. Quatre vigiles arrivent dans les allées, l’emmènent au fond de la réserve où il est tabassé à mort. Ce texte est un témoignage à la troisième personne, celui d’un œil extérieur qui assiste à l’événement depuis l’entrée de l’homme jusqu’à sa mise à mort.

Pourquoi ce texte choque-t-il ? La forme simple et la fluidité de la description des faits plonge le lecteur dans l’horreur froide de la scène. Il est difficile de ne pas lire d’une traite ce livre. Une fois commencé, on veut savoir, comprendre cette histoire que l’on prend en cours de route.

C’est un tourbillon de mots qui happe le lecteur dans une terrible montée de l’atroce. On est impuissant face au drame auquel le texte nous oblige à assister et que l’on vit en même temps que la victime par les mots de Mauvignier : « Il ne sait pas quand vient la première claque sur le visage mais il sait que soudain on ne peut plus avancer, devant il y a un mur de conserves, il se retourne et esquive les premiers coups ».

Ce qui ressort, c’est le vide, le manque identitaire de ces hommes qui me sont jamais précisément nommés mais seulement décris dans le texte du point de vue de leurs actes et sentiments.

Il s’agit d’une métaphore à peine masquée de la lutte entre capitalisme et pauvreté, la tragédie d’une société aveugle où l’homme est seule face à une machine, un système inhumain qui écrase les anonymes.

Laurent Mauvignier désigne cette société comme la nôtre et nous inclus dans la mort de l’homme en tant que ces « gens, les voisins, ceux qui votent, qui parlent, ceux-là mêmes qui l’ont ignoré ou méprisé en le tuant à petit feu tous les jours ».

Il adresse également ce texte au frère de la victime, évoquant sa douleur, ses interrogations et ses souvenirs. En s’adressant à lui, l’auteur s’adresse plus généralement à nous, lecteurs, tous frères dans l’humanité.

Ce texte a notamment été mis en espace par Angelin Prejlocaj au Pavillon Noir et Denis Podalydès à la Comédie Française.

Par Caroline Tardy
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017

Sources : https://rhinoceros.eu/2011/03/ce-que-j-appelle-oubli-de-laurent-mauvignier/