Joël Pommerat – ça ira (1) fin de Louis

Joël Pommerat
ça ira (1) fin de Louis
Théâtre
2015
France

            Ça ira de Joël Pommerat est un spectacle de quatre heures joué au Théâtre Nanterre Amandiers. Le sujet de la pièce porte sur la Révolution française que le spectacle se propose de remettre en scène depuis la crise financière, à la convocation des états généraux, jusqu’au début de la contre-révolution de 1790-91. Pommerat est acteur et metteur en scène et ne met en scène que ses propres pièces. Il suit donc l’entièreté du processus de création, de l’écriture au passage au plateau.

            Le choc esthétique que produit la mise en scène se situe dans le rapport de proximité instauré entre la scène et la salle par la suppression du quatrième mur, l’élément fondamental, voire fondateur, des pièces traditionnelles. Or, le choc culturel, selon la définition du Cnrtl, peut être défini comme l’effet produit sur un individu pris au dépourvu lorsqu’il est plongé dans une culture étrangère, à savoir dans une situation inhabituelle. Le spectacle nous sort ainsi des carcans habituels par un choc esthétique de l’ordre scénographique. Dans ça ira, trente acteurs sont placés dans les gradins, se fondant dans la masse des spectateurs. La salle est éclairée comme la scène. Puis soudain, durant les scènes d’assemblée les acteurs se lèvent pour protester ou argumenter un point de vue en s’adressant aux acteurs sur la scène. Nous sommes ainsi plongés au cœur du débat comme si nous faisions partie des députés de l’assemblée générale. En conséquence, nous ne sommes plus seulement en position de regardeur, mais en position de vivre une expérience théâtrale qui doit provoquer une émotion chez le spectateur, une envie de se lever et de protester avec les acteurs. Cette proximité scène/ salle produit de même un mélange du réel et de la fiction à l’image du théâtre antique qui faisait du spectateur un vrai citoyen. Pommerat lui-même a pensé cette mise en scène dans l’idée qu’un spectateur pourrait se lever en scène et prendre part au débat. Ce théâtre immersif et cette proximité scène/salle est renforcé par le parlé du texte de Pommerat, qui utilise un langage très contemporain et par une réactualisation du sujet de la Révolution française notamment dans de de nombreux éléments comme les costumes sobres et intemporels, l’ajout de femmes dans l’assemblée, des micros, des perruques contemporaines… autant d’aspects qui nous rapprochent de notre réalité politique !

          Pommerat, qui travaille en permanence sur la base d’improvisations, parvient à nous plonger dans le spectacle en nous rapprochant par la scénographie d’une part, et par les acteurs qui deviennent objets de la scénographie de notre réalité d’autre part.

Par Jade Bou Ferraa
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017