Alain Blanc et Henri-Jacques Stiker (ouvrage collectif) – Le handicap en images, Les représentations de la déficience dans les œuvres d’art.

Alain Blanc et Henri-Jacques Stiker (ouvrage collectif)
Le handicap en images- Les représentations de la déficience dans les oeuvres d’art
2003
Ouvrage théorique
France

Ce livre aborde la manière dont les déficiences sont représentées dans diverses œuvres d’art (notion élargie à l’art populaire comme les séries télévisées, les affiches publicitaires ou encore la pornographie). Le livre développe notamment sur le rapport entre les représentations et la perception du handicap par la société. Ce panorama des représentations est abordé d’un point de vue artistique, mais aussi psychologique et sociologique. Plus encore, certaines parties traitent des parallèles entre la représentation et les liens sociaux entre valides et invalides. Cet ouvrage est un recueil de nombreuses recherches dont les thèmes sont répartis en quatre grands axes. À travers quelques exemples tirés de ces recherches, nous tenterons de résumer de manière concise les problématiques et les observations qui se dégagent de ces grands axes.

La déficience comme écart : l’ambivalence

De quelques représentations du boiteux (Jean-Pierre A. Bernard)

Le boiteux est une figure que l’on trouve de manière récurrente dans les récits mythiques, les textes sacrés et la littérature. On explique dans ce chapitre que la figure du boiteux est associée aux personnes doubles qui possèdent un pied dans un monde et un pied dans l’autre (souvent « la terre » et « l’au-delà », l’humaine et le divin). On cite en exemple Héphaïstos, dieu du feu et de la métallurgie « l’illustre boiteux aux savants pensers ». En effet, son intelligence et son habileté face aux agressions extérieures permettent de compenser le handicap. Cette dualité entre force et faiblesse est caractéristique du boiteux. Encore dans la famille des Labdacides, Labdacos et Laios sont boiteux. Œdipe, le fils de ce-dernier présente une sexualité divergente, donc boiteuse, et son nom se rapporte à ses pieds enflés. Lévi-Strauss nous explique ce déséquilibre en se basant sur un mythe amérindien narrant que les autochtones, nés de la terre, sont liés à la glaise et éprouvent donc des difficultés à s’en extraire, d’où un problème de locomotion. Enfin, le chapitre aborde le personnage de Richard III, bossu et boiteux qui justifie son immoralité par sa difformité. Mi-homme mi- bête, il illustre lui aussi cette dualité, ce passage entre deux mondes, qui peut se faire métaphore d’un langage sur l’humanité : est-ce le boiteux qui marche de travers ou le monde qui n’est pas aussi droit qu’il n’y paraît? L’auteur explique que cette figure ne représente plus à notre époque un intermédiaire divin et ne se prête plus à la mythification car, le boiteux est devenu un handicapé. La moquerie et la compassion affichées ne sont plus acceptables, l’image s’est normalisée.

Personnes handicapées et fictions : deux exigences contradictoires! (Delphine Combrouze)

Ce chapitre présente un tableau de la déficience télévisuelle en se basant sur 46 films entre 1986 et 1996 dans lesquels apparaissent des personnages handicapés. En mettant en place une typologie du héros handicapé, la chercheuse remarque plusieurs choses. Premièrement, il y a une discrimination entre les différents handicaps et les types de personnes handicapées. Ainsi, le handicap moteur est largement plus représenté que le handicap mental car, le handicap doit se voir très rapidement afin d’éviter une errance du sens pour le spectateur (de plus, il est plus facile à représenter que le handicap mental). On remarque aussi une prépondérance d’adultes masculins handicapés car, la femme handicapée n’est pas télégénique et est déjà représentée par le stéréotype de la personne faible et dépendante ce qui créerait une redondance avec le handicap. La part d’enfants et d’adolescents handicapés est très faible car il ne faut pas choquer le spectateur. L’auteure dégage trois attitudes fondamentales chez le personnage handicapé: le repli sur soi, l’agressivité et la cruauté. Chez les valides, ce sont des sentiments comme la curiosité, la pitié ou encore la surprotection (voire l’infantilisation) qui dominent. En ressortent des relations interpersonnelles compliquées et des personnages inadaptés à la société (plus que l’inverse). Les intrigues sont minces, pleines de lieux communs et la réalité quotidienne est rarement bien retranscrite. Les films doivent émouvoir le spectateur plus que partager le quotidien. Le personnage handicapé n’est pas un personnage comme les autres, c’est d’ailleurs plus souvent le handicap lui-même qui est le personnage dans une volonté de démonstration plus que de reconnaissance en tant qu’individu. On comprend donc que ces films véhiculent des stéréotypes. Les médias sont très importants dans la propagation des représentations sociales qui présentent toutes des distorsions avec le réel. C’est inévitable mais ici, ce n’est pas atténué.

Toulouse-Lautrec, « Petit homme disgracié et génial » (ou la relation homme-oeuvre-handicap dans les biographies du XXème siècle) (Marie-Christine Rogerat)

Ce peintre est atteint dès son enfance d’un handicap physique puis contracte la syphilis à 24 ans. Lautrec souffrait aussi de problèmes psychologiques et d’un alcoolisme accru. L’auteure a étudié plusieurs biographies de l’artiste, les thèmes abordés et la manière dont ils ont été abordés en fonction des périodes d’écriture. Elle remarque donc, par exemple, que dans la période la plus ancienne (avant 1945), c’est uniquement le handicap physique qui est abordé à l’inverse des périodes plus récentes où l’on voit une diversification des handicaps et des conséquences positives (audace mentale, inspiration artistique). Les approches sont très différentes mais se recoupent sur plusieurs points : les auteurs recherchent systématiquement à élucider les mystères de ses handicaps et à trouver des liens de cause à effet entre ces handicaps et les œuvres de Toulouse-Lautrec. La chercheuse constate également que les auteurs s’impliquent à chaque fois comme juge, avocat ou interprète des actions du peintre. Les approches varient dans la forme et le contenu selon les époques mais elles abordent toujours ce sujet comme un schéma triangulaire homme/oeuvre/handicap.

À travers ces trois exemples, on peut dire que cette partie met l’emphase sur la manière dont l’infirmité (et plus largement la différence par rapport aux normes socialement reconnues) est considérée comme à l’écart du monde habituel et quotidien. La figure du boiteux représente un lien entre deux mondes. Les personnages handicapés dans les séries télévisés sont toujours vus (d’une manière rarement réaliste) à travers leur handicap et non leur individualité. Enfin, les biographies de Toulouse-Lautrec marquent fortement cette ambivalence qu’il y a à parler d’une personne déficiente. Tantôt sur-considéré, tantôt déconsidéré, le handicap apparaît comme un sujet délicat dont le traitement et souvent risqué et maladroit voire, stigmatisant.

L’infirmité comme métaphorisation

Victor Hugo et la déficience (Alain Pessin)

On décèle dans le traitement du monstrueux chez Victor Hugo un glissement d’un ordre poético-mythologique à philosophique. De quelle manière s’opère ce glissement? Cette démonstration se base sur deux de ses œuvres: Cromwell et sa préface (1827) puis L’homme qui rit (1869). La première œuvre traite du monstre à travers la notion de « grotesque » employée dans la préface pour définir la conception qu’a Victor Hugo du Romantisme à savoir « une tension dynamique entre le sublime et le grotesque ». Il déclare vouloir prendre « tous les ridicules, les infirmités et les laideurs » considérant que « le beau n’a qu’un type, le laid en a mille ». C’est via la figure de l’antithèse qu’il accorde à la difformité le ressors de la création et la charge de faire l’art du XIXème siècle. On pense par exemple au célèbre personnage de Notre-Dame de Paris, Quasimodo, qui en est l’exemple parfait. Dans ses romans philosophiques, c’est ensuite par un autre versant qu’il aborde la question de la monstruosité. Dans L’homme qui rit, le personnage du mutilé porte la lourde tâche de porte-parole de la Révolution. En effet, face aux moqueries, le personnage prononce un discours de promesses et d’espoir dans le genre humain. La déficience est mobilisée pour un dessein philosophique afin d’exprimer l’idée que le peuple a besoin d’auxiliaires (les artistes, les philosophes) qui, grâce au langage, peuvent porter une voix politique et révolutionnaire. Victor Hugo s’éloigne donc de l’imaginaire de la déficience et se contredit avec la Préface de Cromwell dans laquelle il critique les « hommes qui se condamnent à n’avoir qu’une forme à l’esprit, à toujours prouver quelque chose. L’oeuvre artificielle de ces hommes-là n’existe pas pour l’art. C’est une théorie, non une poésie. »

Le témoin d’Otto Dix (Pierre Le Quéau)

Otto Dix est un peintre allemand qui a participé à la Première Guerre mondiale. Cette expérience a nourri une grande partie de ses œuvres. Il a en effet consacré de nombreux tableaux ayant pour sujet des champs de bataille ou des gueules cassées. Ces dernières évoquent dans son oeuvre un thème troublant : celui de la défiguration. Cette démarche est pour Otto Dix un véritable exorcisme au traumatisme de la guerre : il peint ces gueules cassées pour se débarrasser d’images et de cauchemars incessants. Dans ses tableaux, il se fixe comme objectif de peindre la réalité brute du conflit en considérant que l’âme se trouve dans les détails (ici les visages mutilés des anciens soldats) que l’on veut occulter ou minimiser dans les représentations. Passeur donnant sens et forme à ce qu’on choisit d’oublier, Dix expose ces visages témoins dans toute leur crudité. Ces représentations métaphorisent ces faces qui sont atteintes aussi bien physiquement que socialement. Le visage est le siège de l’identité et lorsque celui-ci est ravagé, l’image que l’on a de soi et que l’on renvoie laisse transparaître l’être et la mort sans plus de médiation. L’auteur explique que le visage est une ouverture sur l’être mais qu’entre ces deux entités, une médiation s’effectue : on passe du visage à l’âme puis à l’autre et à l’être. Ici, le visage défiguré crée un court-circuit dans cette chaîne médiatrice. L’apparence extérieure devient témoin de l’intérieur où se mêlent image de mort d’anciens rescapés et pulsion de vie des miraculés. Cette dimension symbolique nous évoque la difficulté de vivre avec cette mutilation qui entrave l’échange social et la compréhension réciproque.

Dans cette partie, on comprend comment l’art s’empare de l’infirmité pour transmettre un message sur le monde. Le handicap se fait allégorie de la société ou bien, revêt un caractère ontologique pour parler de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus tragique et monstrueuse. Il est donc abordé ici davantage comme un outil que comme un objet d’étude ou de démonstration.

Laideur et monstruosité: l’insupportable/fascinant

Frankenstein, entre expérience sociale et épreuve d’être soi (Christine Dussud)

Ce que l’on peut dégager de l’étude de la créature dans le roman de Mary Shelley, Frankenstein, c’est tout d’abord le caractère mythique de cette figure. L’histoire, elle-même inspirée du mythe de Prométhée, raconte l’histoire d’un homme qui, en créant de toute pièce une créature douée de vie et de sentiments, veut égaler la création de Dieu. De ce blasphème résulte un monstre repoussant composé de parcelles de cadavres. Abandonnée par son créateur, la créature va exacerber la monstruosité qu’elle avait en elle et développer un penchant pour le crime. C’est son unique manière de reconstituer un lien social avec une humanité qui ne l’accepte pas, qui la stigmatise et qui nie son existence et son identité. Mais cette créature est humaine, souffre et a besoin de l’autre. Cette exclusion et cette solitude achève de l’aliéner et de la placer hors du monde. Cette œuvre remplie sa fonction de mythe en symbolisant le destin universel de l’humanité et en étant sans cesse réinterprétée. C’est une allégorie du monde qui est présentée ici : l’homme rejette le monstre car il le ramène à sa propre monstruosité, la stigmatisation de la laideur déclenche un comportement déviant chez la créature, ce monde sépare les individus en catégories qui empêchent tout lien social. Toutes ces réalités peuvent être calquées sur la société de notre époque et des époques antérieures. Dans ce sens, l’auteure considère que le roman de Mary Shelley fait preuve d’un progressisme indéniable en parlant d’injustice sociale et d’intolérance.

Étude et mise en scène du corps déviant dans l’affiche (Cécile Rambourg)

Au siècle classique, les affiches présentant des personnes handicapées étaient en lien avec les lois sur l’invalidité aux mains des instances officielles. Elles véhiculaient une certaine image de l’infirmité. Au XIXème siècle, on voit apparaître des affiches publicitaires pour les spectacles de monstres humains qui se transforment en véritable commerce. Au XXème siècle, ce sont d’abord les mutilés de guerre puis, les personnes handicapées qu’elles mettent en avant durant la deuxième moitié du XXème siècle. On passe donc de l’invalidité, à la monstruosité puis à la mutilation et enfin le handicap. Cependant, sur ces affiches, le corps déviant n’accède jamais à la réalité de sa condition : elle se présente sous forme d’euphémisme. Par exemple, sur les affiches pour les spectacles de monstres, des signes discrets ne permettent pas d’identifier toute de suite le handicap. Sur une affiche d’une association en 1889, on remarque que la personne présentée possède toutes les caractéristiques du « déviant intégré » (selon Goffman) et des signes d’intégration sociale. Ces éléments ne sont pas dissonants, mais rassurants. Dans les deux cas, on cherche une idéalisation de la scène. On comprend cette « constante d’invisibilité », car les affiches ont un rapport à la médiatisation et à l’art. Plus encore,  l’éthique corporelle empêche de représenter certains corps qui seraient trop imprégnés du stigmate de « monstrueux ». Paradoxalement, ces associations à travers cet effacement et ce souci d’intégration adhèrent à cette image du « monstre » et créent l’exclusion.

Dans ce chapitre, il est également abordé le sujet des Freak Shows ou encore les méandres de la hideur dans les romans d’Amélie Nothomb. C’est donc les thèmes de la monstruosité et de la laideur qui sont soulignés, ainsi que leur propension à l’exclusion de la vie sociale et du monde, à la réclusion ou encore à l’invisibilisation.

La déficience comme ressource: la médiation

Le vide constructif chez Van Gogh (Maryvonne Brenot-Bonnefille)

C’est par l’intermédiaire du peintre Van Gogh qu’est abordée ici l’idée du manque fondamental à la création artistique. À travers les lettres issues de la correspondance avec le frère de l’artiste, l’auteure nous montre dans ce chapitre de quelle manière Van Gogh sublime son mal-être en art. Elle utilise pour cela différentes théories psychanalytiques issues des grands noms de la psychanalyse : Freud et sa théorie de la sublimation des pulsions sexuelles, Otto Rank avec l’idée de « psychologie de la volonté » qui place l’artiste en lutte pour la conquête de l’éternité, Lacan qui explique que l’art est la rencontre du désir de celui qui regarde et celui qui est regardé, et enfin Boris Cyrulnik qui parle de résilience. Toutes ces théories vont être associée à Van Gogh car, l’artiste souffrait en effet d’un manque, d’une « mélancolie active » comme il l’appelle, dont va naître sa décision de devenir peintre. Artiste torturé, il calque aux normes et aux mythes de l’époque qui vont guider sa personnalité : l’individualisme, un goût prononcé pour la liberté qui le marginalise, un romantisme accru qui idéalise la nature et l’amour, une mélancolie constante jusqu’à rêver sa propre mort. Il se transforme alors en la figure mythique et stéréotypée de l’artiste « souffrant, solitaire, errant, désespéré, au bord de la folie » comme le décrit le biographe Walther. L’idée exprimée ici est celle de la nécessité du manque, de la déficience psychique (ou physique comme on l’a vu plus haut avec Toulouse-Lautrec) pour accéder à ce processus de sublimation et de résilience artistique. Ce travail artistique est vu comme un défi contre le temps et la mort venu pour apaiser les souffrances du peintre ce qui pourrait expliquer que des siècles plus tard, sa peinture, en éclairant les zones d’ombres et les failles intimes, nous parle encore et fait écho en nous. La question ici posée et à laquelle il est difficile de répondre est la suivante : faut-il souffrir d’une déficience, d’un manque pour être créatif?

Danse et déficience (Muriel Guigou)

Dans ce chapitre, il est abordé le thème du handicap à travers la médiation chorégraphique. Deux exemples sont présentés. Le premier présente le travail d’une chorégraphe, Mathilde Monnier, en duo avec Marie-France Canaguier, une femme autiste. Cette rencontre a pour but une recherche personnelle de la chorégraphie sur l’échange avec une personne handicapée, mais éloigné de tout objectif thérapeutique. En effet, l’artiste s’est intéressée à la manière dont un langage corporel et dansé peut mettre de côté toute forme de stéréotype concernant l’autisme. Cette maladie implique habituellement une impossibilité relative à la communication, mais ici le mouvement résultant de cette rencontre crée une complicité au-delà des mots et forme un échange intelligible. Pour que cette relation et se partage ait pu avoir lieu, la chorégraphe a dû s’adapter à la femme autiste et accepter ses refus afin de ne pas laisser les émotions contre-productives prendre le dessus. De cette recherche résulte une nouvelle forme gestuelle dans laquelle le mouvement devient de moins en moins décoratif et de plus en plus essentiel. De la même manière que cette chorégraphe parvient à trouver avec l’aide de cette femme une nouvelle forme de danse en duo, Bruce Curtis, un danseur tétraplégique en fauteuil roulant et Alan Ptashek, un danseur valide, se rencontrent pour expérimenter un langage entre valide et handicapé. Ils développent donc à deux un vocabulaire corporel qui repousse les stéréotypes sur les limites motrices d’une personne invalide. Ici, le fauteuil roulant fait partie de l’apprentissage et devient même un objet chorégraphique à part entière apportant à ce nouveau langage une originalité et une ressource chorégraphique insoupçonnée. L’expression corporelle ne résulte plus d’une imitation d’un corps valide, mais de l’expérimentation personnelle d’un corps « atypique ». Ces recherches voient le jour dans le contexte de l’expansion de la danse moderne. Celle-ci valorise la singularité des danseurs et les encourage à partir de leur intimité, de leurs peurs et de leurs faiblesses afin de développer une gestualité propre à eux-mêmes. Dans ces duos, le regard est déplacé. On ne regarde plus la personne déficiente, mais le rapport que deux corps différents entretiennent dans une conversation artistique et créative, éloignée de toutes fins ré-éducatives ou thérapeutiques.

Conclusion

Au travers des différents exemples de la représentation de la déficience dans l’art, ce livre tente de nous montrer à quel point les images du handicap définissent un rapport particulier d’étrangeté concernant les invalides.

Le handicap peut être la métaphore de l’expérience humaine à plus grande échelle ou bien à une exposition du traumatisme personnel. Ces représentations ont pour but de contribuer à rendre possible les liens sociaux, à offrir une perception stable et rassurante de la déficience et à nous rapprocher de la personne en situation de handicap. En mettant l’accent sur trois aspects de la déficience (le corps limité, la monstruosité et l’étrangeté), cette recherche nous permet également de prendre conscience de la dimension  ontologique de la déficience qui est une atteinte à l‘être et à la liberté.

Sa mise en image est bien souvent éloignée de la réalité, voire stigmatisante. C’est un sujet délicat qu’il convient d’exposer avec précaution et dont le traitement est souvent maladroit. Cependant, cette volonté de mise en lumière peut favoriser comme le dit l’auteur « une accoutumance bienveillante ». Celle-ci est rendue possible par cette médiation avec l’image: elle met à une distance « confortable » la déficience sans en ôter le traumatisme et l’impact sur le spectateur. « L’image nous rapproche, même abstraite » explique l’auteur. Il ouvre sa réflexion en se questionnant sur les dérives de cette surexposition du handicap : à force de représenter la déficience en l’axant sur la perte, ne prive-t-on pas le spectateur d’un point de référence auquel s’accrocher et qui permettrait l’identification? Trop montrer l’étrangeté, est-ce une bonne façon de rapprocher valides et invalides ou bien cela ne créé-t-il pas encore une fois un éloignement?

Par Angèle Marchand
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017