Émile Zola – L’Assommoir
Émile Zola
L’Assommoir
1876
Littérature
France
Ce roman de Zola est paru à partir de 1876 dans le Journal Le Bien public. Divisé en feuilletons, ce fut un des scandales littéraires majeurs du XIXème siècle. Alors que des auteurs tels que Flaubert appréciaient « l’esthétique rabelaisienne », le reste des critiques ont créé une certaine forme de censure dû au caractère naturaliste de l’œuvre. Ceci ayant eu pour effet de retarder la diffusion en épisode du roman au fur et à mesure.
L’histoire est celle de Gervaise Macquart et de sa déchéance après avoir été abandonnée par son amant qu’elle avait acceptée de suivre. Elle finit par se marier avec un autre homme qui finira alcoolique après un accident du travail. Alors qu’elle travaille dur pour ouvrir une blanchisserie, elle comble les problèmes d’argent dans un excès de consommation de nourriture. Après la mort de son mari, elle sera confrontée à la misère pour finir par mourir sous un escalier.
La raison pour laquelle un scandale a éclaté autour de l’Assommoir mais aussi, autour de l’ensemble des Rougon- Macquart, est l’utilisation de descriptions scientifiques se déplaçant vers l’horreur par sa précision. Le naturalisme a pour définition selon le Larousse : « fasciné par la science, véritable système d’analyse et d’explication de la nature (…) devant des tranches de vies saignantes et putrides » « il (Émile Zola) entend faire une étude du tempérament et des modifications profondes de l’organisme sous la pression du milieu et des circonstances ».
Ainsi, on obtient une esthétique des corps loin de l’idéalisation romantique, tant appréciée à l’époque, avec une description à connotation négative dans un but d’hyperbole des imperfections corporelles (allant de l’explication des fluides corporelles sur la nourriture jusqu’à une description de la décomposition de corps malades et de ses symptômes en détails sur plusieurs pages) permettant une critique des comportements humains et un dénigrement de celui-ci dans son opulence.
La scène du repas où Gervaise sert une oie en est caractéristique : la graisse est décrite à la fois sur les masses corporelles des participants mais aussi, sur la nourriture servie.
Il y a aussi une description précise des corps en décomposition et des actes de violence tels que le viol dans La Bête humaine, ou le corps en putréfaction de Gervaise dévorée par la maladie et amincit par la famine à la fin de l’Assommoir. En règle générale, on retrouve une esthétique attribuée au registre du « gore » (l’opposé du romantisme essayant de créer une certaine intemporalité et perfection des corps).Nous sommes ici mis en face de la mortalité et des limites humaines et à une vision scientifique (dans l’exagération).
À l’origine, le sujet développé par Zola était l’argument principal du scandale : celui d’une femme tombant peu à peu dans le vice de la nourriture et la dépiction de l’alcoolisme des figures masculines. Cependant, c’est la forme qui fût réellement l’élément principal de censure : le dégoût des descriptions des corps et des violences en règle générale ont entraîné une levée de boucliers pour une œuvre qui fut considérée comme de mauvais goût.
Ceci étant dit, même si la critique se refusait à faire la promotion du livre, le public quant à lui, n’a pas manqué de l’acheter en masse à sa sortie sous forme de roman.
Par Lucile Massiot
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017