Eva Ionesco – My little princess
Eva Ionesco
My little princess
Film
2011
France
My little princess est un film dépeignant l’histoire d’une jeune fille, Violetta, et de sa mère, Hanna, interprétée par Isabelle Huppert. Cette mère, toujours absente, est photographe. Un jour, elle réapparaît, proposant à sa fille de poser pour elle. Cette dernière ne refuse pas un moment de complicité probable. Nous découvrons alors une pièce sombre, étrange, dans une atmosphère proche des maisons closes, avec de la dentelle, de la soie. Ainsi, la petite fille se prête au jeu, mais cela devient de plus en plus malsain. Hanna demande à Violetta de prendre des poses de plus en plus osées, dévoilant de la nudité, des attitudes provocantes et vulgaires. On tombe dans une perversion terrible. Les clichés de l’enfant se diffusent et elle se retrouve dans un environnement mondain malsain : elle commence à fumer, boire, avoir des relations sexuelles avec des hommes bien plus âgés qu’elle. Elle vient à l’école dans des tenues extravagantes, et grandit bien trop vite. Violetta devient un objet de désir sexuel vendu en photographies.
Ce film a été pour moi un véritable choc à double sens. Tout d’abord, l’histoire est profondément choquante et la dépravation progressive de la jeune fille m’a vraiment bouleversé. De plus, le film est une histoire vraie, inspirée de l’enfance de la réalisatrice, Éva Ionesco, et de sa mère. Mais le choc esthétique a été le plus important pour moi. J’ai trouvé ce film extrêmement beau, les actrices aux cheveux blonds, presque blancs, m’hypnotisant. L’univers franco-roumain est subtilement travaillé, avec une mise en valeur de la pauvreté roumaine calibrée parfaitement.
Tout dans My Little Princess fait sens, les détails sont fins. Cette esthétique me rappelle celle des vanités dans l’art pictural, représentation de la mort dans un contexte somptueux et pourtant très sombre, proche du cabinet de curiosités.
Cela me rappelle ce tableau de David Bailly peint en 1651 et intitulé Autoportrait avec symboles de Vanité. Ce peintre hollandais s’inscrit complètement dans cette esthétique baroque dont semble s’inspirer le film. Tout est détail, luxe et luxure, et pourtant l’ensemble est très sombre, inquiétant.
Les costumes sont aussi un facteur marquant de cette prise de position esthétique. Dentelles, tissus nobles, tulle, paillettes et velours ajoutent un côté irréaliste à l’ambiance.
Le maquillage du teint très pâle, proche de la poupée de porcelaine, additionné au rouge vif sur les lèvres, couleur sang, mêle la mort et la vie ; le froid et le vif. Tout rappelle les vanités, le lien entre la vie et la mort, l’amour et la haine. Ce film est la parfaite représentation d’ Éros et Thanatos, pulsions contradictoires et essentielles de l’Homme, souvent liées à l’érotisme. Thanatos est la personnification de la mort, tandis qu’Éros est symbole d’amour.
Parlons rapidement de psychanalyse. Freud oppose ces deux pulsions dans son interrogation sur le plaisir chez l’Homme. Il associe cela à la notion de « transfert », ou l’enfant reproduit une scène en utilisant des symboles pour une survivance de la mère. Ainsi, l’Homme répète des actes, et les principes de plaisir et de répétitions sont liés : « compulsion de répétition et satisfaction pulsionnels aboutissant directement au plaisir semblent ici se recouper en une intime association » (Freud, Au delà du principe de plaisir, 1920).
Ce film m’a donc complètement bouleversé, dans son aspect psychologique et esthétique. L’ambiance du film, les couleurs de la photographie et le travail de l’image m’ont vraiment transporté et depuis le premier visionnage, cette œuvre me reste en tête.
Par Romane Rivol
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017