Anonyme – Les ombres d’Hiroshima
Anonyme
Les ombres d’Hiroshima
1945
Photographies
Japon
Photo de Matsumoto Elichi à Nagasaki
Le 6 août 1945, Little Boy change à tout jamais le destin de la ville japonaise d’Hiroshima, située sur l’île de Honshu. Little Boy est le nom donné à la première bombe atomique, à l’uranium 235, de l’Histoire mondiale. Lâchée par un avion américain, la bombe chute pendant 43 secondes puis explose en vol au-dessus de l’hôpital de la ville. Le champignon nucléaire est impressionnant. Au sol, Hiroshima est entièrement rasée, tous les bâtiments sont détruits et il n’existe plus aucune trace de vie humaine dans un rayon de 500 mètres à partir de l’épicentre de l’explosion. Le traumatisme est encore présent dans la ville au XXIe siècle. C’est cette bombe qui a dicté l’histoire d’Hiroshima. La ville est devenue un sanctuaire prônant la paix universelle et luttant contre les armes nucléaires en exposant, comme preuves, les conséquences matérielles et humaines d’une attaque nucléaire dans le musée de la Paix. Cette institution rassemble des photographies, des témoignages, des objets récupérés dans les décombres et des reconstitutions. La ville d’Hiroshima en elle-même peut incarner la raison d’un choc esthétique et émotionnel, basée sur la force des témoignages et des images.
Les images les plus choquantes restent les photographies et le morceau d’escalier transporté dans le musée de la Paix, qui donnent à voir des silhouettes humaines qu’on a appelées « les ombres d’Hiroshima ». Le flash de la bombe a décoloré le béton et les corps des personnes présentes au moment de l’explosion. Ainsi, on observe des ombres de personnages fantômes qui ont été arrêtés par un souffle trop violent, en pleine action quotidienne. Ces ombres sont des témoignages de la violence de l’attaque et de l’innocence des victimes: celles-ci vaquaient à leurs occupations sans se douter qu’elles allaient disparaître à tout jamais. C’est ce paradoxe qui est choquant au premier abord: le fait de conserver dans un musée la trace de personnes, qui ont sûrement été projetées par le souffle de l’explosion, et dont les corps n’ont probablement jamais été retrouvés. Ce sont des inconnus, des fantômes, qui, malgré eux, témoignent de l’horreur de la guerre et des armes nucléaires. Le spectateur peut être considéré comme un voyeur, puisqu’il admire le destin tragique de personnes qu’il ne connaît pas, prises sur le vif. Prendre conscience de cette position fait partie du choc esthétique et émotionnel. Ces images sont fascinantes dans ce qu’elles ont d’irréel. Être confronté à ces images sans aucune médiation implique un moment d’incompréhension et de doute. L’explication et le choc émotionnel qu’elle engendre confèrent à ces représentations une dimension tout d’un coup beaucoup plus violente et la raison d’un choc émotionnel.
Ces photographies sont les témoignages d’une atmosphère générale dans la ville d’Hiroshima liée au traumatisme encore bien présent au XXIe siècle. Les images, comme tous les témoignages rassemblés dans le musée de la Paix, sont présentées sobrement et ne nécessitent aucune explication superflue. C’est la simplicité du témoignage face à l’horreur de la violence vécue qui fait choc, finalement, en plus du choc esthétique qu’il représente.
Par Chloé Aubert
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017