Ron Mueck

LES OEUVRES DE RON MUECK

Sculpteur australien hyperréaliste, né en 1956, Ron Mueck a commencé sa carrière en fabriquant des marionnettes notamment pour le Muppet Show puis il s’installe à Londres pour approfondir son travail sur le corps humain.

Son travail rappelle, entres autres, celui de Maurizio Cattelan. Il travaille seul dans son atelier avec deux assistantes. Les matières qu’il utilise sont la résine polyester, le silicone, la peinture à l’huile et au besoin de vrais cheveux, des accessoires et des vêtements confectionnés à l’échelle des corps.

J’ai eu la chance de découvrir ces œuvres au Hirshhorn Museum de Washinghton en 2003 et à la magnifique exposition à la Fondation Cartier en 2013 avec, à chaque fois, la même intensité.

Ces œuvres sont riches, impressionnantes. Elles provoquent plusieurs émotions et donc plusieurs formes de choc.

Choc formel : Choc esthétique

Choc du beau : Le spectateur prend le temps de regarder le travail. C’est impressionnant de réalisme et de précision. L’artiste peut passer très longtemps à répéter le même mouvement pour créer les rides, les pores de la peau, les veines, la sueur… Son œuvre ne compte que 38 sculptures.

Choc du grand : Le corps est magnifié, gigantesque, surdimensionné. Ex : Big Man, le gros bonhomme chauve, Boy, l’enfant accroupi qui semble terrifié, A girl, un bébé qui vient de naître
Choc du petit : Woman with Shopping, Two women

2. Choc du corps : On voit chez lui, une fascination pour la déchéance du corps humain : corps vieillissant, corps fatigué, corps obèse. Ex : Couple under un umbrella, le couple sous un parasol (3m de haut), In bed, la femme seule dans le lit, Old woman in bed.

Les raisons du choc

La médiation que Ron Mueck met en place consiste à jouer sur l’échelle de ses sculptures. Elles ne sont jamais à échelle humaine. La médiation n’opère pas entièrement pour certaines œuvres comme le couple d’adolescents même si l’artiste joue sur leur taille. La médiation joue sur les limites entre l’artificiel, l’illusion et le naturel, le réel.

Choc du contenu : Choc moral

Ce travail de précision nous fait sortir de la fiction pour entrer dans le réel.

Le choc agit comme une confrontation avec nous-mêmes parce qu’on a vraiment le sentiment d’être face à des personnes réelles.

a. Voyeurisme : On entre dans l’intimité de ces personnages qui deviennent des personnes, on a envie de les toucher, de leur parler. On se permet de les observer dans les moindres détails, comme jamais on n’oserait regarder quelqu’un. J’ai le sentiment de leur voler des instants de vie. Ex : Woman and Child

b. Identification / Empathie : En fonction des sculptures, le spectateur tend à s’identifier. Elles nous confrontent à notre propre existence. (La naissance, la solitude, la vieillesse, la mort…) ex : In bed, Woman with Shopping…

c. Malaise, mauvaise conscience : La force de la sculpture est aussi ce qu’elle ne dit pas. Les personnages représentés sont souvent des personnes tristes, solitaires, éreintées. Le spectateur est renvoyé à son propre aveuglement, à tous ces gens autour de nous que nous laissons à leur souffrance sans rien dire. Ron Mueck met en avant l’individualisme et ça nous chamboule, crée de la mauvaise conscience.

Exemples :

Youth, l’enfant noir, blessé.

Young Couple, 2003. En apparence, il s’agit d’un jeune couple d’adolescents timides et amoureux. Il faut faire le tour de la sculpture pour se rendre compte que le garçon serre un peu trop fort le poignet de sa copine qui se tord. Et là, on accuse le coup, on revient sur les visages qui disent autre chose, la souffrance, la soumission. Et on reste là, impuissants.

Voir aussi le documentaire sur les étapes de travail de Mueck : Still Life : Ron Mueck at Work, réalisé par Gautier Deblonde.

Les sculptures de Ron Mueck provoquent un choc certes, mais un choc positif. Une œuvre qui fait choc est une œuvre réussie.

Par Magali Gimenez
Sorbonne-nouvelle Paris3, 2015