Marcel Duchamp – Étant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage

Marcel Duchamp
Étant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage
1966
Installation
États-Unis

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Étant donnés : 1°) la chute d’eau, 2°) le gaz d’éclairage est une installation de Marcel Duchamp réalisée en 1966. Cette oeuvre posthume a été élaborée en cachette par l’artiste avec l’ordre de ne la révéler qu’après sa mort. Le jour dit, Étant donné fût transporté, démonté et remonté à l’aide du manuel Approximation démontable qui permit de placer l’œuvre au musée de Philadelphie où elle fût exposée au public grâce au soutien de la William and Noma Copley Foundation.

L’œuvre se présente d’abord par une porte en bois percée de deux petits trous où l’on peut placer ses yeux. Placé ainsi, on aperçoit un mur intérieur en brique creusé d’un énorme trou irrégulier. Ce trou dans le mur fait apparaître une femme nue couchée sur le sol couverte de feuilles et de branchages, les jambes écartées et tenant à la main gauche un bec Auer allumé électriquement. Derrière la femme s’étend un paysage champêtre en trompe-l’œil. C’est une photographie coloriée sur laquelle on aperçoit une chute d’eau en illusion d’optique, réalisée à l’aide d’un tambour rotatif percé de trous et d’un projecteur. La modèle ayant servi à reproduire le corps nu est Maria Martins, une sculptrice brésilienne avec qui Duchamp  eut une liaison entre 1946 et 1951.

L’obscénité de cette installation se découvre par la présence du nu qui représente la majeure partie de l’œuvre. La femme étendue sur des branchages est en plâtre, recouverte de peau de porc ce qui donne un aspect très réaliste à la chair. Sa position est de même très subjective alors que, les jambes écartées, elle expose son sexe au regard du spectateur, dans la posture d’un corps qui vient d’être consommé. Il est de plus très significatif que Duchamp ait choisi une œuvre aussi érotique comme œuvre posthume, car Étant donné signe la conclusion de toute son œuvre. Celle-ci peut s’interpréter comme un hymne à la femme, éternellement désirée ou source de frustration, mais le visage de la femme étant caché, c’est surtout son corps qui apparaît comme objet de tous les désirs. Ce sexe de femme lisse et sans poil (objet de fantasme) éclairé par un projecteur de 150 watts est rappelé par la fente qui ouvre le mur intérieur de l’œuvre. C’est littéralement un trou sur un trou. On peut de même voir un message caché dans la présence de la chute d’eau dans l’idée de la femme fontaine. Cependant, le corps est presque androgyne, car, les formes sont indistinctes. De plus, cette œuvre est une démonstration que l’œuvre d’art n’existe que par la participation du spectateur voyeur. En effet, le spectateur doit faire un effort pour scruter l’œuvre à travers les orifices appelés « les trous du voyeur » par Duchamp. Ce qui est choquant c’est ainsi la position de voyeur du spectateur. L’inconfort qui en résulte fait de cette installation une œuvre obscène.

Par Jade Bou Ferraa
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017