Esthétique du choc
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Les études de cas

Christophe Nick

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LE JEU DE LA MORT

A partir de l’expérience Milgram des années 1960, Christophe Nick crée un documentaire qui met en scène un faux jeu télévisé : « la Zone extrême ». Diffusé sur France 2 en 2010, il actualise l’expérience de 1960 en la transposant dans l’univers de la télé-réalité. Il cherche ainsi à montrer l’influence de la télévision sur les individus aujourd’hui. Le principe est de faire croire aux candidats sélectionnés qu’il s’agit de l’émission test d’un tout nouveau jeu où deux candidats vont tenter de remporter une coquette somme d’argent en répondant à des questions. Un premier candidat est le questionneur et pose des questions auxquelles le second, isolé du premier dans une cabine placée sur le plateau, doit tenter de répondre. Toutefois, à la moindre erreur, ce dernier va recevoir une décharge électrique d’une intensité progressive au nombre de mauvaises réponses qu’il va faire. Cette décharge sera actionnée par le questionneur lui-même. La production a néanmoins bien précisé qu’aucune somme d’argent n’est en jeu pour le test lui-même.
En réalité, c’est un acteur qui simule la douleur mais le questionneur l’ignore tout comme il ignore qu’en réalité, c’est lui le cobaye. Cette mise en scène est une expérience pour évaluer le pouvoir de la télévision qui contraint les individus à l’obéissance  face à l’autorité télévisuelle.
Aucune violence n’est montrée au sein du jeu. La caméra fait en sorte que le spectateur se met à la place des cobayes et imagine la souffrance des comédiens par les bruits, sons et plaintes qui lui parviennent.
    Le principe même de l’expérience est choquant puisque celle-ci met en jeu une possible souffrance. Ce point-là est d’ailleurs mis en avant au début du documentaire où le narrateur nous parle d’une banalisation de la violence à la télévision dans le but d’augmenter l’audimat. L’humiliation, le rejet et même la torture sont des techniques de marketing réellement employées sur les plateaux. On est forcé de constater que le questionneur est disposé à imposer des souffrances au candidat dans le cadre du jeu.
    Le documentaire permet aussi de remarquer que les premières erreurs peuvent paraitre ludiques. Elles   provoquent une légère douleur au candidat et suscitent le rire des questionneurs. Pour les besoins de l’expérience, le candidat est nécessairement mauvais et donne une majorité de bonnes réponses (2 sur 27 ). Les châtiments s’accumulent donc et s’intensifient. Le candidat crie donc  de plus en plus fort et suscite  une gêne de plus en plus oppressante sur le plateau. La plupart des questionneurs deviennent mal à l’aise, se tournent vers la présentatrice quelque peu inquiets mais celle-ci leur suggérant de continuer, ils poursuivent  le jeu malgré les cris qui peuvent devenir supplications. (voir le film à 26 min).
    Le pire moment est lorsque le candidat ne répond plus, ne sélectionne plus de réponse. Un moment de flottement s’installe. Les questionneurs essaient de négocier avec la présentatrice pour s’arrêter mais après quelques phrases de dissuasion douces, 80% des questionneurs vont jusqu’au bout de toutes les punitions (voir le film à 32m15).
    L’expérience révèle ainsi que 80% des gens ordinaires peuvent devenir des tortionnaires sous l’effet d’une autorité qu’il pense légitime.
Pourquoi cette autorité nous parait légitime ?
    Car visionner la télévision est devenu la deuxième activité des français : en moyenne 3H30 par jour dès 5ans sur 80ans d’espérance de vie. Cela représente 123187H c’est-à-dire 14années pleines.
    Pour un français moyen, une présentatrice est considérée comme une sorte de star. Il se sent donc impressionner et veut faire bonne figure à ses côtés.
    Le contexte du plateau télévisuel est aussi impressionnant pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude. Selon plusieurs témoignages, ils se sentaient obligés de faire ce qu’on leur demandait tout simplement parce qu’on est à la télé. Ils sont confrontés à leur propre image pour la première fois, ils se sentent forcés de sourire malgré ce qui vient d’arriver. Ils se sont laissés happer par un automatisme de questions/réponses.
Milgram avait à l’époque démontré que 62% obéissaient à l’autorité dans un milieu scientifique. Cette nouvelle démarche tente de nous mettre en garde sur les limites des nouveaux programmes télévisuels. Mais ce qui est intéressant de voir c’est que le documentaire utilise la télévision pour critiquer la télévision. Aujourd’hui on peut voir tout et n’importe quoi depuis son foyer, on peut donc penser que le documentaire s’adresse directement au public télévisuel pour le faire réagir et sortir de sa passivité.

Video Youtube

Par Daphnée Kbidi
Paris 3 , 2015

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