Esthétique du choc
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Les études de cas

Boris Vian

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Le déserteur, 1954

Monsieur le président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir.
Monsieur le président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens.
C’est pas pour vous fâcher,
Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m’en vais déserter.
Depuis que je suis né,
J’ai vu mourir mon père,
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants.
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers.
Quand j’étais prisonnier,
On m’a volé ma femme,
On m’a volé mon âme,
Et tout mon cher passé.
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes,
J’irai sur les chemins.

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence
Et je dirais aux gens:
«Refusez d’obéir,
Refusez de la faire,
N’allez pas à la guerre,
Refusez de partir.»
S’il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le président.
Si vous me poursuivez,
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.

Texte antimilitariste/pacifiste écrit par Boris Vian. Co-composée avec Harold B. Berg.

Le texte raconte l’histoire d’un jeune homme qui, après avoir reçu son ordre de mobilisation, écrit une lettre au président en lui expliquant qu’il va déserter et qu’il n’ira donc pas à la guerre.

 

Contexte historique → la France est en pleine guerre d’Indochine, et les prémices de la guerre d’Algérie qui débutera en novembre de la même année se font déjà sentir.

Il propose la chanson à plusieurs interprètes et c’est finalement Mouloudji qui accepte. Mouloudji interprète la chanson pour la première fois au Théâtre de l’Œuvre à Paris le 7 mai 1954 → jour de la défaite française à Diên Biên Phu en Indochine. 1500 soldats français meurent au cours de cette offensive.

Chanson censurée → interdite de diffusion à la radio et interdite à la vente. L’interdiction prendra fin en 1962, après la guerre d’Algérie.

En 1955, Boris Vian reprend lui-même la chanson. Il la chante à Paris et en Province où de vives contestations se font sentir. Manifestations, protestations…

Ce qu’on remarque :

  • Scandale en lien avec l’époque. C’est aussi à cause du contexte historique français que la chanson a fait scandale.
  • Parallèle avec la chanson de Gainsbourg, Aux armes et cætera, 1979
  • Toujours d’actualité → en 1999, une directrice d’école a été sanctionnée pour avoir fait chanter cette chanson à deux élèves lors d’une commémoration de la capitulation allemande du 8 mai 1945.
  • Hymne pacifiste important → chanson reprise par de nombreux artistes, ou même lors de manifestations. Parfois détournée aussi comme en 2012 par des militants anti-nucléaires.

Justine Hugedé
Licence, Sorbonne nouvelle-Paris 3, 2015

 

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