Sarah Kane – L’amour de Phèdre
Sarah Kane
L’amour de Phèdre
Théâtre
1996
Angleterre
L’amour de Phèdre, est une pièce de théâtre de Sarah Kane parue en 1996. C’est une transposition du mythe de Phèdre à l’époque contemporaine. Les personnages principaux (Phèdre, Hippolyte, Thésée) sont présents mais, l’auteure introduit de nouveaux personnages comme celui de Strophe, qui serait la fille de Phèdre et donc la demi-sœur d’Hippolyte. Ce dernier est un personnage intéressant : on le retrouve au début de la pièce dans son canapé, devant la télévision, le sol jonché de détritus alimentaires. Il est gras, fainéant, répugnant, ingrat, exécrable… et c’est un grand enfant à qui on offre des voitures électriques. Il pourrait s’apparenter à une figure allégorique de la société contemporaine, une société de consommation, de facilité et de désenchantement rapide. Phèdre, elle, est au bord de la crise d’hystérie ou de la dépression, elle est aveuglée par son amour qu’elle traduit en désir sexuel violent. Thésée, qui n’apparaît qu’à la fin de la pièce, ne semble pas plus équilibré que les autres personnages, en violant et tuant sa propre fille. Seule Strophe semble être un personnage témoin, extérieur, raisonné et pourtant n’aidant en rien d’un côté ou de l’autre de la tragédie.
Ce qui fait choc, c’est tout à d’abord le langage franc, cru et brut utilisé pour retranscrire le mythe de Phèdre. Parallèlement à leur langage, les personnages semblent dans un constant désir d’assouvir leurs passions les plus basses, pulsionnelles, animales… Ce qui, dans les autres écritures du mythe de Phèdre, n’était qu’une histoire d’amour, incestueuse sans doute, mais si peu consommée et ne servant que de prétexte à la tragédie, ici se transforme en amour charnel, transgressif, consommable, malsain. L’inceste est transcrit au sens littéral, les actes sexuels étant mentionnés méticuleusement dans les didascalies. Ces dernières sont sans doute ce qui constitue la matière la plus choquante du texte. Le caractère trash des didascalies, décrivant les rapports sexuels incestueux, l’affreux lynchage d’Hippolyte à la toute fin, le viol de Strophe etc., nous amène à nous poser la question de la représentation. Est-ce représentable ? Doit-on représenter à la lettre les didascalies ? Si oui, comment représenter ça ? Doit on les taire ou les lire au public ? Rien que de se poser ces questions prouve que ces didascalies provoquent et bousculent l’imagination, et que cela choque.
Par Héloïse Cholley
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017
L’amour de Phèdre, écrite en 1996, est la seconde pièce de Sarah Kane. C’est une réinterprétation de Phèdre, pièce basée sur le mythe romain tragique de Sénèque. La pièce retrace l’histoire d’une reine, Phèdre, qui est éprise de son beau-fils Hippolyte. On y évoque la violence et ses effets, l’amour incestueux, la mort, et l’existence de Dieu. La pièce est trash, le texte est violent. Il fait choc.
Hippolyte est destructeur, tant pour lui que pour les autres personnages. Il fait preuve d’une psychologie détraquée. Il est cynique, abrupt et refuse tout amour. Il a soif de rapports sexuels, mais ils sont bruts et froids. Il n’y a pas de passion. Il se masturbe presque mécaniquement, mange de façon malsaine et reste devant la télévision toute la journée. Il vit de façon excessive, sans sentiments et se moque de ce qui l’entoure. Il en est presque inhumain. Phèdre, elle, est follement amoureuse d’Hippolyte, bien que ce soit son beau-fils. Cette relation incestueuse non par le sang, mais par le mariage de Phèdre avec le père d’Hippolyte, Thésée, va la pousser au suicide. Phèdre accuse Hippolyte de viol dans une ultime lettre écrite après lui avoir fait une fellation et avoir appris par Hippolyte lui-même, de façon cruelle, que sa fille, Strophe, a couché avec lui. On apprendra plus tard dans la pièce que Thésée et Strophe ont eu également des relations. Suite au suicide de Phèdre, Hippolyte va trouver conseil auprès d’un prêtre. Il remet en cause l’existence de Dieu devant cet homme. Ce devrait être un affront pour un homme d’église. Hors celui-ci vénère non seulement Dieu, mais encore plus Hippolyte, ce qui le poussera à lui faire une fellation. Cela peut être pris comme un outrage à la religion. Par la suite, Hippolyte est exécuté en place publique, face aux habitants du village exaltés par sa mort. Thésée qui assiste à la mise à mort, sous le choc, tue Strophe, la prenant pour une étrangère et se suicide.
Les corps sont détruits, éventrés, maltraités, le sang coule à flots. La fin de la pièce est chaotique, il ne reste des personnages que des cadavres. Vivre est une souffrance, la mort est inéluctable. Sarah Kane fait dans L’amour de Phèdre, une synthèse de ce qu’il y a de plus sombre chez l’Homme.
Par Margot Deblay
Université Sorbonne Nouvelle – Paris3, L3, 2017